Le sheet-flint
[De l’anglais sheet : feuille ou plaque et flint : silex], traduisible par silex en plaque, préférentiellement à silex en feuille. La locution anglaise, plus connue, est recommandée. Le terme de « lames de silex » est également utilisé (Juignet & Breton, 1997). Attention à ne pas utiliser le terme de silex tabulaire à leur égard.
Le sheet-flint est une forme particulière de silex caractérisée par son épaisseur faible (de quelques mm à 5 cm) assez constante à l’échelle de l’affleurement et par sa grande étendue dans le plan d’aplatissement (plusieurs mètres à plusieurs dizaines de mètres). Sa forme générale peut être plane ou ondulée. Il peut suivre la stratification approximativement ou la recouper obliquement. Il peut être unique ou appartenir à un ensemble de deux ou plusieurs autres sheet-flints qu’il rejoint. La surface de contact avec la craie n’est pas lisse mais ornée de petites bosses ou de petites cuvettes.
La face externe du sheet-flint ne présente pas de cortex et est généralement de teinte sombre.
En section, différents cas sont possibles :
- la silicification est complète et la tranche est noire,
- la silicification est uniquement périphérique, un filet médian crayeux est préservé,
- la silicification est périphérique et médiane, deux filets crayeux sont préservés.
Les sheet-flints sont des formes de silicification secondaire ou tardive, c’est-à-dire postérieurs aux silex communs. Ils résultent de la précipitation de la silice à l’intérieur de discontinuités souvent mécaniques apparaissant dans la craie (joint de cisaillement, faille, joint de tension). Mais attention, le sheet-flint n’est pas un remplissage siliceux du vide de la fracture, c’est une épigénie de la pellicule crayeuse des deux épontes.
Il ne faut pas confondre sheet-flint et silex tabulaire qui est un silex continu aux épontes plates et plus épais.
Géométriquement et génétiquement, on distinguera :
- des sheet-flints conformes, suivant approximativement la stratification,
- des sheet-flints obliques, formant un angle marqué avec la stratification.
Les horizons à sheet-flints sont généralement cantonnés à certaines tranches stratigraphiques, correspondant à des épisodes tectoniquement actifs.
Exemples :
- Au-dessous de la marne Southerham, autre,
- Au-dessus du Chalk Rock Senneville,
- Au-dessous de la marne Lewes,
- Au-dessus de la marne Lewes, autre,
- Au-dessous de la Craie noduleuse Lewes,
- Au-dessus des HGs Navigation, autre, autre, autre, autre, autre, autre, autre, autre, autre, autre, autre,
- Horizon à sheet-flints infra-Hope Gap de Saint-Pierre-en-Port à Fécamp.
- Associés aux silex Beeding et à la marne Beeding,
- Au-dessous du silex Seven Sisters,
- A la face supérieure du silex Seven Sisters, autre (seismite Câtelier), autre, autre, autre,
- Au-dessous du HG Veulettes (seismite St-Sylvain),
- Au-dessus du Bedwell’s columnar, autre,
- Au-dessus du silex Whitaker’ 3″(seismite Ormelet), autre , autre,
- Entre marne Anglesqueville et silex Exceat, autre,_autre, autre, autre,
- Entre silex Exceat et silex Buckle,
- Campanien basal
- Campanien inférieur
Parfois, le sheet-flint est fracturé et débité en éléments anguleux témoignant d’une cassure fragile. Il en ressort que le durcissement du silex est, à l’échelle géologique, assez rapide et que la fracture, à l’origine du sheet-flint, a pu rejouer à l’occasion de mouvements ultérieurs.
Les sheet-flints sub-horizontaux, ainsi que les silex tabulaires, forment des écrans imperméables. Il est fréquent que des phénomènes karstiques se produisent à leur proximité. On trouvera par exemple des craies à trous (type gruyère), des poches plus ou moins remplies de loess issu de la surface, des craies dures recristallisées.
Sheet-flint et séismite
Les sheet-flints conformes à la stratification, conjointement avec d’autres structures, peuvent être des indicateurs de séismites. Ces sheet-flints passent souvent à des joints simples non-silicifiés sur leur longueur. Il ne subsiste dans ce cas qu’une fine ligne presque invisible. Leur caractère diagénétique ne fait aucun doute.
Certains niveaux stratigraphiques contiennent des sheet-flints, d’autres non. Il existe des niveaux où n’apparaît qu’un seul sheet-flint, mais généralement ils se groupent par deux ou trois. Un sheet-flint donné suit approximativement la stratification, mais le plus souvent il se courbe vers le haut ou le bas pour rejoindre une autre surface de stratification. Il se groupe avec d’autres sheet-flints formant un réseau anastomosé. Joints et sheet-flints constituent un réseau de fractures, de nature mécanique évidente, cantonné à un intervalle stratigraphique.
Il s’agit de surfaces de cisaillement dont le rejet est le plus souvent imperceptible.
La nature souvent identique des roches encadrant les sheet-flints ne conforte pas l’hypothèse d’un mouvement différentiel de deux ensembles rocheux rhéologiquement différents.
L’ hypothèse la plus plausible qui explique les sheet-flints conformes fait appel au transit quasi-instantané d’une onde mécanique puissante, d’origine inconnue (séisme, tsunami, impact). L’ énergie mécanique est apportée soit des profondeurs rocheuses (séisme, impact) soit de la mer (tsunami). Sans autres informations complémentaires, le caractère paléosismique des sheet-flints paraît plus vraisemblable et plus commun.
Seuls des séismes de magnitude élevée peuvent imprimer leur trace dans les roches qui tapissent le fond sous-marin. Au cours d’un séisme, les ondes sismiques qui possèdent la plus forte amplitude sont les ondes de surface (celles qui voyagent aux interfaces et en particulier à la surface terrestre, au contact de l’air ou de l’eau). Parmi elles, les ondes de Love ont les effets les plus destructeurs sur les édifices et il peut en être de même pour les roches du fond sous-marin. Ces ondes ont une atténuation moins forte que les ondes de volume (en 1/r et non en 1/r2) et gardent donc une forte puissance sur une grande étendue terrestre. Leur vitesse est de l’ordre de 4 km.s-1 et leur fréquence entre 1 et 10 Hz.
La composante horizontale du vecteur de déplacement, lors du passage d’une onde de Love, est fortement prédominante. Ce vecteur est perpendiculaire à la direction de propagation.
La question de la source énergétique du phénomène étant identifiée, il reste à préciser la localisation et la cause précise du cisaillement à l’origine des joints. Nous l’avons vu, ces joints sont concentrés dans un horizon peu épais.
Pour qu’un cisaillement puisse avoir lieu, il faut que la roche n’absorbe plus les efforts de manière élastique. Le comportement élastique est celui d’une craie ayant subi une diagénèse, c’est-à-dire au moins un début de cimentation et de tassement entre les grains de craie. Au-dessus, la craie est encore à l’état de boue plastique où le squelette granulaire ne résiste pas à de faibles pressions. Il existe donc un niveau potentiel de décollement, au-dessus duquel, par inertie, la vibration sismique est fortement amortie et au-dessous duquel la vibration est transmise.
Certaines similitudes entre les sheet-flints et les structures « beef » et « cone-in-cone » sont à noter (Cobbold et al., 2013). Ces structures sont également parallèles à la stratification et elles présentent une double couche de cristaux. Là encore, le minéral est venu cristalliser dans un joint ou une fracture de tension. La fracturation hydraulique semble également être le processus générateur. Mais, dans ce dernier cas, elle résulterait de la migration de fluide sous action de la tectonique.
Des effets de site (IRSN, Wikipedia, IRMA) peuvent amplifier considérablement les mouvements, selon la disposition des couches sédimentaires.
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