La Mer de la craie
La craie s’est déposée dans différentes mers épicontinentales (c’est-à-dire reposant sur une croûte continentale) au Crétacé supérieur. Ces mers occupaient différentes partie du globe.
Sur le continent nord-américain, on trouve de la craie dans le Bassin Intérieur (Western Interior Seaway), du Nebraska au Texas et de l’Alabama au Colorado.
En Europe occidentale, elle s’étend largement de l’Irlande du Nord (Antrim) et de l’Angleterre à la Russie (Mer d’Aral), au Kazakhstan et jusqu’au Moyen-Orient (craie organique du Bassin de Shfela en Israël, Bisnovat et al., 2015), en passant par le S de la Mer Noire. Vers le N, elle forme les belles falaises de l’île de Rügen (Allemagne nord-orientale) ou de l’île de Møn (Danemark). La craie blanche, en association avec des marnes et des siltstones affleure au SW de la Lituanie (Grigelis, 2006). Les champs d’hydrocarbures offshore de la Mer du Nord (Ekofisk) jusqu’au plateau continental norvégien (Faleide et al., 2010)) sont implantés dans la craie.
On la trouve également dans l’hémisphère sud (Australie occidentale, Gingin Chalk dans le bassin septentrional de Perth).
La profondeur de dépôt généralement avancée pour les craies typiques est comprise entre 100 et 300 mètres. Pour le Pays de Caux, on peut l’estimer entre 10 et 100 m, mais dans le graben de la Mer du Nord, elle devait être de plusieurs centaines de mètres.
Les mers épicontinentales doivent paradoxalement leur évolution à des phénomènes se produisant au milieu des océans, au niveau des dorsales océaniques. Ces vastes reliefs sous-marins gonflent ou s’affaissent selon l’activité magmatique, forte ou faible, qui s’opère à l’aplomb des rifts.
Durant le Crétacé, l’océan Atlantique continue à s’élargir. Pour en avoir une représentation dynamique, on peut consulter l’animation de Christopher Scotese.
La figure suivante montre bien, qu’entre l’Océan Atlantique en voie d’ouverture et l’Océan Téthysien en voie de fermeture, il existe un certain nombre de microplaques essentiellement continentales coincées entre l’Eurasie et l’Afrique, relativement mobiles. Entre les deux traits jaunes de la figure suivante, les mers chaudes sont le siège d’une sédimentation carbonatée. La mer de la craie est une des ces mers, installée sur le continent européen, lui-même comportant des zones de faiblesse où se produisent des déformations.
Le Bassin anglo-parisien de la craie, comme le Bassin du Western Interior, constituent des zones de transfert latitudinal entre les bassins tropicaux chauds (Océan Thétysien) et les bassins boréaux plus froids.
Pour une vision interactive de la planète au Crétacé supérieur, consulter le site Paleomap Project.
En Europe occidentale, certaines zones vont sans doute rester émergées pendant tout le Crétacé supérieur. Il s’agit en particulier de massifs cratonisés pendant l’orogénèse hercynienne. La Mer de la craie s’insinue entre ces massifs. On peut reconnaître des faciès marins côtiers vestiges des bordures et dans lesquels une fraction détritique silicatée (sableuse, marneuse) est représentée (région du Mans, par exemple, proche du Massif Armoricain).
L’ambre fossile atteste d’un continent proche couvert de résineux (travaux de G. Breton et al.).
Au S du seuil du Poitou, au N du Bassin d’Aquitaine, se déposent des sédiments de plate-forme différenciés (sableux, marneux, carbonatés), détaillés par C. Platel (1987).
La microplaque ibéro-briançonnaise (comportant Portugal, Espagne, Baléares, Sardaigne, Péloritains, Calabre méridionale, Corse, Maures) subit une dérive senestre par rapport à la plaque européenne. Des bassins en transtension (bassins pyrénéens, bassin sud-provençal) se forment entre le Bassin Cantabrique à l’W et le bassin Valaisan à l’E. Au Nord et au Sud du bombement durancien, le faciès craie n’existe plus et est substitué par des faciès calcarénitiques ou détritiques. En Provence (Cassis par exemple), des apports détritiques grossiers venant du Sud alternent avec des calcaires récifaux au cours du Crétacé supérieur. La Mer de la craie pouvait cependant communiquer vers le SE avec les mers du domaine préalpin.
Dans le Vaucluse, l’influence du Massif Central émergé se fait sentir, par exemple avec les grès glauconieux turoniens du Bassin d’Uchaux (F. Roman, 1913). Dans le Gard et la Drôme subalpins (Massif de la Cèze, Marcoule, Suze-la-Rousse) dominent les grès et les calcaires (Ferry et al., 2007).
Dans la Drôme, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes domine le faciès vocontien, faciès marno-calcaire épais d’un bassin situé au N de l’Isthme Durancien (Oudet, 2013).
En Provence, le faciès craie n’existe pas et la sédimentation est très différenciée sous l’influence de la tectonique. Les falaises de la région de Cassis (Pointe des Lombards et Cap Canaille) montre par exemple un Cénomanien inférieur-moyen avec des marnes et des calcaires bréchiques, un Cénomanien supérieur gréseux, un Turonien inférieur-moyen marneux, un Turonien supérieur avec des calcaires à Rudistes.
Variations eustatiques pendant le dépôt de la craie
Le niveau moyen des mers et des océans a varié au cours du Crétacé supérieur. Ce niveau général est un des paramètres qui vont influencer la nature et l’épaisseur des séries crayeuses.