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Le contexte tectonique du Bassin anglo-parisien

Globalement, notre mer de la craie se situe à l’W du continent eurasiatique. Ce continent est un héritage du super-continent de la Pangée qui existait de la fin du Carbonifère au début du Jurassique. En ces temps, l’aile nord de la Pangée qui inclut l’Europe forme la Laurasia, tandis que l’aile sud inclut l’Afrique, l’Antarctique, l’Australie et l’Inde. La Pangée se fragmente ensuite : la Laurasia se sépare de l’Afrique, l’Eurasie se sépare de l’Amérique du Nord du fait de l’ouverture de l’Océan Atlantique. Cette ouverture n’est pas synchrone, elle se propage du Sud vers le Nord. Des grabens (fossés d’effondrement) se forment en Europe avec une direction atlantique. Au Crétacé inférieur s’ouvre le Golfe de Gascogne (= Bay of Biscay).

Carte tectonique centrée sur l’Europe occidentale, modifiée d’après Ziegler (1990)

Au Crétacé supérieur, au Coniacien, avant l’anomalie magnétique C34, le pôle de rotation entre la plaque européenne et la plaque africaine modifie sa position, ce qui amène la convergence de ces deux plaques, toujours actuelle. A la suite, l’Europe va enregistrer des déformations qui vont se traduire en particulier par une inversion tectonique des grabens mésozoïques (de l’extension vers la compression).

Carte tectonique de l’Europe nord-occidentale (Ziegler, 1990) montrant les zones affectées par la tectonique subhercynienne.

La carte précédente (modifiée d’après Ziegler,1990) montre en figuré oblique les zones affectées par la tectonique subhercynienne (Crétacé supérieur, voir à la suite). Elles se situent au NE de l’axe de socle Londres – Brabant. Cette tectonique subhercynienne s’opère pendant la sédimentation de la craie.
Les graben de la Mer du Nord subissent une inversion à partir du Crétacé supérieur.
Au S du Bassin Parisien, deux orogènes commencent à se mettre en place au Crétacé supérieur, les Pyrénées et les Alpes.

Carte tectonique de l’Europe occidentale et de l’Afrique septentrionale au Santonien (anomalie 34), extrait modifié de Stampfli et al., 2002.

L’évolution tectonique des Pyrénées est couplée avec celle de l’ouverture du Golfe de Gascogne. Les premières traces d’accrétion océanique dans ce dernier datent de l’Albien supérieur, pendant le CNS (Cretaceous Normal Superchron). Au cours du rifting, le Massif Armoricain reste émergé, représentant un épaulement de rift. Les anomalies magnétiques permettent d’avancer qu’entre l’Aptien (-110 Ma) et le Campanien (anomalie 33, -75 Ma), l’Ibérie s’est déplacée d’environ 200 km vers le SE. Ce mouvement la place alors à environ 100 km au S de sa position actuelle. Les premiers déplacements compressifs, au niveau des Pyrénées,  ne débuteront au plus tôt qu’au Maastrichtien (Thinon et al., 2001).

Déplacement de l’Ibérie entre l’Aptien (-110 ma) et le Campanien (-75 Ma)

A l’E de la micro-plaque ibérique, au niveau du bloc corso-sarde, en raison de la position du pôle de rotation, le mouvement relatif par rapport à l’Europe est de type transpressif (Rosenbaum et al., 2002). La Provence enregistre des premières contraintes compressives au passage Crétacé inférieur / Crétacé supérieur, responsables du bombement durancien (ou varois) et de l’émersion génératrice des bauxites. Des failles de socle (Aix, Durance) sont réactivées à partir du Santonien terminal et produisent des cônes alluviaux syn-tectoniques (Leleu, 2005). Le bassin sud-provençal reçoit sur sa bordure sud active des épandages détritiques venus du continent méridional (Maures, Corse, Sardaigne).

Paléogéographie des zones méridionales provençales au Turonien

Paléogéographie des zones méridionales provençales au Turonien

La mise en place des nappes tectoniques ne débutera qu’à l’Eocène inférieur.

Type de mouvement entre l'Ibérie et l'Europe, modifié d'après Rosenbaum et al., 2002

Type de mouvement entre l’Ibérie et l’Europe, modifié d’après Rosenbaum et al., 2002

Au Crétacé supérieur l’Afrique avec son promontoire apulien et l’Europe convergent. Mais l’océan alpin n’est pas encore refermé. Vers l’Est, se mettent en place des nappes au cours du Turonien – Coniacien, résultant du poinçonnement de l’Europe par le bloc Adria et le bloc Moesia (Haas & Péro, 2004). Ces nappes constituent :

  • l’ensemble Alcapa (Austro-alpin, Carpathes centro-occidentales, Pelso),
  • les méga-unités de Tisza et de Dacia.

 

extrait de la carte tectonique (Global Paleogeography, ed. Ron Blakey), il y a 100 Ma (début du Cénomanien)

 

extrait de carte tectonique, il y a 75 Ma (Campanien moyen) d’après Global Paleogeography, ed. Ron Blakey

Chronologie des déformations

Trois phases tectoniques sont distinguées :

1- une phase sub-hercynienne (Turonien – Campanien) [étymologie : région d’Allemagne au N des monts du Harz] avec pour repères :

  • l’ ouverture de la Mer du Labrador au Turonien inférieur à -92 Ma;
  • la formation des Pyrénées qui commence au Santonien-Campanien.

Cette phase affecte à distance le Bassin anglo-parisien.
Elle se subdivise en :

  • phase Ilsede précoce (Turonien supérieur),
  • phase Ilsede de Stille  (Coniacien moyen),
  • phase Wernigerode (Santonien supérieur),
  • phase Peine (Campanien inférieur).
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Phases tectoniques et niveau marin relatif, d

2 – une phase laramide (Paléogène = Paléocène à Oligocène), particulièrement à la limite Paléocène – Eocène entre les anomalies magnétiques C25-C24 (-56 à -53 Ma) et l’ouverture de la Mer de Norvège-Groënland.

3 – une phase oligo-miocène, particulièrement entre le Chattien -25 Ma, anomalie C7 et le Burdigalien -20 Ma, anomalie C6.
Depuis la fin du Pliocène (-2,5 Ma), le soulèvement des plateaux de la bordure occidentale du Bassin de Paris globalement est estimé à 150-200 m (Pomerol, 1978 ; Lautridou et al.,
1999).
Au cours du dernier million d’années, la vitesse moyenne de soulèvement est estimée  à 55 / 60 m (5 à 6 m / 100 ka), sur la base de l’incision des systèmes de terrasses des grandes vallées (Lautridou et al., 1999a ; Antoine et al., 2000).

Expression des déformations

Les différents régimes de contraintes qui ont agi sur la craie depuis le début de son dépôt (Cénomanien) jusqu’à nos jours se sont traduits par des phénomènes dont la nature, la durée et l’étendue spatiale sont très différentes.

  • Des séismes se produisant au cours de la sédimentation de la craie et qui affectent surtout les couches les plus fraîchement déposées (rupture fragile en profondeur, glissements, slumpings, claquages, resédimentation en surface), qualifiées de séismites.
  • Des plissements (déformations souples) qui affectent un ensemble de couches de craies précédemment déposées. Les profils sismiques démontrent que nombre de ces plissements sont liés au rejeu d’anciennes grandes failles affectant le socle paléo-mésozoïque, souvent avec un rejet horizontal.
    • Exemple 1 : Mortimore (2010, fig. 38) figure un système complexe de plis en échelon alignés dans les South Downs, sur environ 80 km à l’WNW de Beachy Head.
    • Exemple 2 : La faille du Bray-Vittel qui se prolonge par la zone faillée du Chenal de Bristol (Pays de Galles) est liée aux périclines de Sandown et de Brixton (Mortimore, 2010)
  • Des failles (déformation cassante) qui affectent là encore un ensemble de couches de craies précédemment déposées, mais jouent dans la durée pendant le dépôt des boues crayeuses. La faille de Fécamp-Lillebonne est un de ces cas de figure avec un Coniacien moyen anormalement épais, constitué de séquences élémentaires plurimétriques.
  • Des condensations ou des épaississements sédimentaires accompagnent la déformation tectonique du fond sous-marin. Au niveau des axes anticlinaux, les craies noduleuses, les hard-grounds et les lacunes stratigraphiques sont plus prononcés. Cet effet est, par exemple, ressenti sur l’axe anticlinal de la Bresle, avec le développement des hard-grounds Mers au Turonien supérieur.

 

Sismicité récente

En Manche, des séismes récents de faible amplitudes ont été répertoriés par les réseaux de mesure. Ils sont ici replacés sur cette carte Google Maps (déplacement et zoom possibles, cliquer sur l’icône pour connaître la date).

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Le plus récent séisme est le petit séisme du 14 juillet 2011 entre Le Havre et l’île de Wight. Aux XVIII ème et XIX  ème siècles, des indications subjectives (évidemment pas de réseau sismologique à cette époque) font état de tremblements de terre ressentis dans la région de Fécamp en 1757, 1766, 1772, 1833 et1881.