volcaniques

Les événements volcaniques

Des lits marneux minces (5 à 20 cm) s’intercalent à différents niveaux de la série crayeuse. Initialement, en Allemagne du Nord, l’étude pétrographique de ces niveaux riches en minéraux argileux a montré qu’ils contenaient des esquilles volcaniques et des cristaux de sanidine. Ceci indique qu’ils dérivent de la retombée de cendres volcaniques. L’altération in situ des produits volcaniques conduit à la formation de minéraux argileux qualifiés de bentonites (consulter cette bibliographie), ou encore de tonsteins dans le Carbonifère. La glauconie granulaire fréquente dans les couches du début du Crétacé supérieur, en Angleterre, en Ecosse et en Irlande, est considérée par Jeans (2006) comme résultant de la glauconitisation de cendres volcaniques péné-contemporaines liées à la rupture continentale et à l’ouverture de l’Océan Atlantique.
Il ne faut pas confondre ces bentonites en lits discrets avec les bentonites (ou smectites) diffuses en très petite concentration dans la craie normale ou dans les craies impures. Il faut également les distinguer des niveaux marneux détritiques ayant pour origine l’érosion continentale.
Les données géochimiques montrent la composition des cendres est de type rhyolitique. Le volcanisme qui les a produit est de type explosif  intra-plaque. Les nuées ou les nuages cinéritiques ont dû être projetés et entraînés dans la haute troposphère et dispersés sur des étendues considérables (à la manière de volcans actuels comme le Pinnatubo, le Bulusan, le Mont Saint Helens, le Redoubt ou l’Eyjafjöll). Par exemple, l’éruption du volcan Ilopango au Salvador, il y a 1500 ans environ,  a projeté dans l’atmosphère un volume de magma estimé à 60 km3 (Pedrazzi et al., 2019).
La sédimentation et l’enfouissement dans la boue crayeuse préserve donc la trace d’un épisode qui est quasi instantané à l’échelle géologique. En stratigraphie événementielle, on qualifie ces repères comme des téphro-événements.  Un téphro-événement est une parfaite isochrone qui relie différentes coupes et son intérêt est primordial pour effectuer une stratigraphie à haute résolution.
A l’affleurement, une bentonite se présente parfois comme une couche homogène, mais plus généralement comme les autres niveaux marneux avec une structure flaser. Dans ce cas, les filets argileux plus sombres enveloppent des lentilles crayeuses plus claires. Cette structure relève à la fois d’une compaction mécanique et d’une dissolution par pression lors de la diagenèse, et également d’une bioturbation plus précoce.
Identifier une bentonite spécifique, représentée par un nom particulier, devrait comporter une double analyse :

  1. des critères attestant de son origine volcanique,
  2. des particularités intrinsèques ou relationnelles attestant de son unicité.

Mais il est difficile de respecter une telle rigueur sur le terrain et l’identification (le nom donné) reste plus ou moins hypothétique.

Arguments géochimiques pour une origine volcanique

1) La présence de minéraux ou d’éléments rocheux typiquement volcaniques (esquilles de verre ou des cristaux automorphes de sanidine, de quartz ou de zircon, association heulandite-clinoptilolite). Leur conservation est parfois possible, comme dans les « tuffs » allemands.
2) Le profil de terres rares normalisé par rapport aux Cody Shales (shale-normalised rare-earth element  ou SNREE) est un outil utilisé pour différencier l’origine détritique ou volcanique des bentonites (en particulier, l’anomalie négative en europium des cinérites).
3) Zr, Nb et Th sont des éléments en trace en plus forte concentration, tandis que Ba, Rb et K sont moins abondants.

Arguments d’identification

Des rapports géochimiques peuvent servir d’«empreinte digitale» pour caractériser une marne, par exemple le scandium, le titane, le vanadium et l’yttrium censés être plus abondants dans les marnes détritiques.
Sur le terrain, l’association et la position par rapport à d’autres niveaux repères sont largement utilisées.

Des cinérites dans la craie

Dans le Bassin Anglo-parisien, les craies, particulièrement celles du Turonien, comportent des intercalations marneuses de quelques centimètres à quelques décimètres d’épaisseur. Ces niveaux exceptionnels contrastent avec l’encaissant crayeux et ont fait l’objet d’études spécifiques portant sur :

  • la nature minéralogique de la fraction argileuse,
  • la nature minéralogique des minéraux insolubles à l’acide,
  • la géochimie des éléments en trace et des terres rares.

Le minéral argileux dominant est la montmorillonite (ou bentonite) du groupe des smectites riches en Mg. C’est ce même minéral qui est présent en quantité mineure dans la craie ordinaire et qui se retrouve ici distribué en grande quantité (jusqu’à 50% de la roche) dans un temps très court. Les bentonites peuvent provenir de l’altération soit de silicates continentaux (bentonites détritiques), soit de cendres volcaniques projetées dans l’atmosphère lors de violentes éruptions (bentonites cinéritiques).

Les bentonites cinéritiques peuvent présenter des esquilles de verre ou des cristaux automorphes de sanidine, de quartz ou de zircon. Le profil de terres rares normalisé par rapport aux Cody Shales est un outil utilisé pour différencier l’origine détritique ou volcanique des bentonites (en particulier, l’anomalie négative en europium des cinérites). Zr, Nb et Th sont des éléments en trace en plus forte concentration, tandis que Ba, Rb et K sont moins abondants.

La continuité horizontale des niveaux bentonitiques est remarquable. Ils se suivent en Angleterre, en France et en Allemagne. Voici un tableau récapitulant leurs noms usuels et leur nature présumée.

Angleterre Sud Angleterre Est Allemagne bentonite
Shoreham 2 Little Weighton 2 ? ***
Shoreham 1 Little Weighton 1 ?
Lewes Ulceby TF ***
Bridgewick 2 Thornton Curtis ME
Bridgewick 1 North Ormsby TE ***
Caburn Deepdale TD1 ***
Southerham 2
Southerham 1 Melton Ross TC2 ***
Glynde 1 Barton 1 TC ***
New Pit 2
New Pit 1 Croxton

Tableau des téphro-événements dans « British Upper Cretaceous Stratigraphy »,
Voir également les travaux de Wiese, Wood et Wray (2004)

En East Anglia (Bristow, 1990), la marne Mont Ephraim est correlée avec la m. Southerham 1 et les Twin Marls avec la marne Caburn.

La position des volcans émetteurs est très hypothétique. Il pourrait s’agir de volcans rhyolitiques situés dans l’Atlantique Nord naissant, entre le Groënland et la Norvège, au Nord du Fossé de Rockall. Des traces volcaniques off-shore sont décrites dans le fossé des Western Approaches, au large de la Manche actuelle (Evans, 1990) et dans le bassin de la Mer du Nord (Jeans et al., 2000).

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