La formation de la craie
Les falaises géantes du littoral du Pays de Caux doivent paradoxalement leur origine à des organismes invisibles à l’oeil nu.
Majoritairement, la craie résulte de la sédimentation de débris micrométriques (0,1 à 1 μm pour l’essentiel) de calcite faiblement magnésienne, issus de coccolithes (du grec du grec κοκκος « pépin », λίθος « pierre »). Un coccolithe est une plaque en forme d’anneau, d’une dizaine de micromètres de diamètre, secrété dans le corps de Golgi d’une algue. De 10 à 30 coccolithes s’accolent pour constituer une sphère, ou coccosphère, qui représente le squelette externe d’un groupe d’algues marines pélagiques appelées Coccolithophoridés.
Coccolithe et coccosphère actuels
Les Coccolithophoridés prospèrent principalement dans la tranche d’eau supérieure (jusqu’à 50m dans les eaux tropicales) et particulièrement dans le plancton. Encore présentes aujourd’hui, mais en moins grand nombre qu’au Crétacé supérieur, ces algues donnent lieu épisodiquement à une prolifération exceptionnelle appelée bloom ou floraison phytoplanctonique apparaissant en couleur turquoise depuis l’espace.
Les blooms de coccolithophoridés ont deux effets :
– Ils relâchent dans l’atmosphère du sulfure de diméthyl, entraînant des pluies naturellement acides;
– ils accroissent l’albédo, c’est-à-dire la réflexion des radiations solaires, un phénomène s’opposant à l' »effet de serre ».
Durant toute leur vie, les Coccolithophoridés « pèlent » leurs coccolithes qui tombent donc sur le fond et s’accumulent pour former une boue à l’origine de la craie. L’agglutination des coccolithes sous formes de pelotes doit contribuer à accélérer la décantation. A côté de ces nannofossiles dominants, il existe en proportion variable d’autres débris fossiles plus gros : des foraminifères, des calcisphères, des bryozoaires, des brachiopodes, des bivalves en particulier des prismes d‘inocérames, des oursins, des crinoïdes, des astéries, des éponges, des dents de requins, etc. Ces éléments biodétritiques peuvent s’être fragmentés et déposés sur place ou alors avoir été transportés et concentrés sous forme de placers.
Le taux de sédimentation (ou vitesse de sédimentation) de la craie peut s’exprimer:
- soit en m/Ma (m.10-6a), en rapport avec les temps géologiques ;
elle est d’environ 20 m/Ma - soit en mm/siècle (mm.10-2a), en rapport avec la durée de vie humaine ;
elle est d’environ 2 mm/siècle.
Pour les réfractaires aux nombres, c’est de l’ordre de l’épaisseur d’une tête d’épingle pendant une durée de vie humaine moyenne.
Ce taux de sédimentation assez élevé pour une roche calcaire est lié à la forte productivité, à l’absence de dissolution sous une profondeur faible et au très faible ratio Mg/Ca de l’eau de mer.
Les craies riches en bioclastes pourraient avoir un taux de sédimentation plus élevé, de l’ordre de 15 mm/siècle (Hakansson et al., 1974).
Les déplacements latéraux des particules crayeuses doivent agir également sur le taux de sédimentation. Ainsi, les craies turbiditiques de la Mer du Nord montrent des épaisseurs considérablement plus importantes.
Inversement, des instabilités tectoniques conduisant à une surrection locale du fond sous-marin induisent des réductions d’épaisseur et des hardgrounds.
Le fond marin devait être mou comme en témoignent certaines adaptations des organismes : grands inocérames plats comme flottant sur la boue, grandes épines stabilisatrices pour les espèces enfouies ou cavités à l’intérieur de la coquille favorisant la poussée d’Archimède. Les premiers centimètres, voire décimètres, pouvaient être dans un état thixotropique. Un choc, sismique par exemple, pouvait rompre toute cohésion.
Coccolithe : du grec κοκκος « pépin », λίθος « pierre »
prononcer kokkos, lithos.
Bravo pour ce travail !