Le karst de la craie
Le carbonate de calcium dont la craie est constituée est un minéral soluble dans l’eau. Dans un litre d’eau douce pure à 16°C, environ 13 mg peuvent passer en solution, ce qui est évidemment très peu. Si par contre on ajoute du CO2 dans cette eau, la solubilité devient nettement plus forte. L’atmosphère contient environ 412 ppm de CO2 (elle en contenait 370, il y a une cinquantaine d’années). Du fait de la respiration des racines des plantes, de l’activité des bactéries et de la décomposition de la matière organique, les gaz du sol contiennent environ 2% de CO2. L’eau de pluie, en traversant le sol, s’enrichit en CO2 et s’acidifie, selon les réactions suivantes :
1) Dissolution du CO2 dans l’eau :
CO2 + H2O ↔ H2CO3
2) Dissociation aqueuse de l’acide carbonique:
H2CO3 + H2O → H3O+ + HCO3–
Il se produit une attaque acide des carbonates, selon la réaction :
H3O+ + CaCO3 ↔ Ca2+ + HCO3– + H2O
Le bilan général peut s’écrire :
CO2 + H2O + CaCO3 ↔ Ca2+ + 2 HCO3–
Il conduit à la production de 2 ions hydrogénocarbonate. Dans chacun de ces ions, un atome de carbone provient du calcaire et l’autre du gaz carbonique. Le CO2 se trouve piégé dans cet ion.
La dissolution des calcaires engendre des cavités qui se développent :
- à partir de la surface, c’est l’exokarst ou karst superficiel;
- en profondeur, à partir de fissures inondées, c’est l’endokarst ou karst profond.
Le karst profond
Le processus de formation du karst (= la karstification) est rapide (voir vidéo de Joël Rodet). Un réseau souterrain se met en place à partir de fissures préexistantes et s’élargit en se « calant » sur le niveau le plus bas des calcaires dans le paysage : c’est le niveau de base, où apparaît la source. Quand une fissure est élargie par la dissolution, son débit augmente aux dépens des fissures voisines et elle devient progressivement un conduit karstique.
Dans les terres, le niveau de base des écoulements souterrains est imposé par le point le plus bas à l’affleurement des roches carbonatées. Près de la mer, c’est le niveau marin qui règle la position des réseaux karstiques.
Dans tous les cas, si le niveau de base s’abaisse, un nouveau réseau se met en place à une cote inférieure à celle du réseau karstique précédent qui est dénoyé et qui n’est plus fonctionnel.
On désigne par karst d’introduction la zone amont du drainage karstique, là où les eaux pénètrent dans le massif et participent à la collection et à l’organisation des eaux devenues souterraines. A l’inverse, le karst de restitution correspond à la zone aval du drainage, là où les eaux souterraines, concentrées et organisées en un réseau de drains hiérarchisés, s’apprêtent à émerger.
En Pays de Caux, l’endokarst récent holocène est noyé, sous pression et impénétrable (sauf en plongée), seul le karst ancien pléistocène ne peut être pénétré qu’en spéléologie. Des ouvertures sont ménagées par le recul des falaises, sur le littoral ou dans la vallée de la Seine
Le karst superficiel
Depuis son émersion à la fin du Crétacé, la craie normande n’a été de nouveau recouverte par la mer que localement et pendant des durées géologiques courtes (Paléocène-Yprésien et Stampien). Sa frange supérieure a donc subi une évolution continentale sous un climat relativement chaud jusqu’aux glaciations pléistocènes. Un manteau d’altération s’est constitué recueillant les résidus insolubles de la craie ou, plus tardifs, éocènes. Les constituants de ce manteau sont les formations superficielles. Le faciès le plus fréquent est appelé Argile à Silex. La craie n’a donc pratiquement jamais été à nu ou alors sur des bombements tectoniques. L’évolution de l’exokarst a du se faire sous une chape de matériaux superficiels qui, selon leurs propriétés, l’ont freinée ou accélérée.
Sous une couverture imperméable (argiles sparnaciennes, par exemple), l’eau n’atteint pas la craie, la dissolution est bloquée et front supérieur de la craie ne se déplace pas et se « fossilise ».
Sous une couverture perméable, l’eau atteint la craie. Si sa capacité de rétention est élevée, la formation superficielle joue le rôle d’une « compresse » qui imprègne la craie en permanence et le front supérieur de la craie s’enfonce sous l’effet de la dissolution. Ce mode d’évolution a été décrit par A. Bonte (1971). Les hétérogénéités de perméabilité concentrent préférentiellement l’eau en certains points de la surface de la craie au niveau desquels la dissolution est plus forte. Il se crée un cône de dissolution qui draine l’écoulement comme un entonnoir et amplifie le phénomène. Le cône se déforme vers le bas en redressant les bords et devient cylindrique. Le manteau d’altération se garnit ainsi à sa base de racines.
L’enfoncement à sa base de la racine conduit à un soutirage des éléments du manteau d’altération, se propageant jusqu’en surface pour créer une dépression où viennent se concentrer les eaux superficielles.
L’étape ultime est celle où la racine s’approche ou rencontre l’endokarst et fait s’effondrer le plafond créant une espèce de goufre, appelée bétoire en Pays-de-Caux (« bois-tout » en cauchois), analogue aux dolines évoluant en aven.
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Expressions géomorphologiques du karst
Les bétoires et dolines,
Les puits de dissolution
Les gouffres et pertes
Les sources
Karst et discontinuités de la craie
Le développement du karst est fortement conditionné par les discontinuité présentes dans la craie. Ces discontinuités peuvent être :
- verticales : fracturation tectonique, fracturation décompressive des vallées;
- horizontales : niveaux marneux, hard-grounds, joints horizontaux et sheet-flints.
Un inventaire plus précis du second type devrait pouvoir être fait grâce à une meilleure connaissance des niveaux-repères stratigraphiques.
karst sur silex Seven Sisters : La Grotte des Grès (Veulettes), à l’Ouest de Veulettes,
Formes de corrosion
D’après Renault (1967), les galeries se classent en :
- galeries syngénétiques avec une vitesse du courant supérieure à 10 cm/s,
- galeries paragénétiques avec une vitesse du courant inférieure à 10 cm/s.
Dans les galeries paragénétiques (cas normal dans le Pays de Caux, comme à la Grotte des Petites Dales) une sédimentation continue se produit sur le fond et la corrosion se produit uniquement au toit. La corrosion initiale a pour effet de créer une multitude petites cavités sphériques. Cela donne une « craie en fromage de Gruyère ».
La métropole de Rouen propose une cartographie en-ligne des risques d’effondrement.