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L’origine de la silice des silex

Le silicium est l’élément chimique qui vient en seconde position dans la composition de la croûte terrestre. Il comporte 3 isotopes stables principaux, mais leur variabilité au sein de la craie n’a jamais été étudiée (à notre connaissance), alors qu’elle l’est pour les roches anciennes (Archéen, Protérozoïque) en particulier à cause de sa covariance avec l’oxygène.

28Si

92,22 %

stable avec 14 neutrons

29Si

4,68 %

stable avec 15 neutrons

30Si

3,09 %

stable avec 16 neutrons

Le silicium (Si) contenu dans l’eau de mer provient originellement de l’altération des minéraux silicatés constituant la croûte continentale et est amené par les cours d’eau ou par les vents (poussières). Ce silicium peut également provenir des volcans océaniques (silice lithogénique ou abiotique) ou de phytolithes (silice biogénique continentale).
Au cours du Crétacé supérieur, la concentration en silice dissoute était inférieure à celle des temps précambrien et paléozoïque. Elle était néanmoins forte de l’ordre de 40 ppm (Racki & Cordey, 2000).
En raison du climat au Crétacé, sur les continents se développent des sols rouges latéritiques qui retiennent l’Aluminium (Gibbsite, Boehmite) et le Fer (Goethite) et libèrent le silicium (Si(OH)4), contrairement à ce qui se passe aujourd’hui où prédominent les sols gris qui retiennent l’Aluminium et le Silicium et libèrent le Fer. La concentration de l’eau de mer en Silicium devait donc être nettement supérieure à celle d’aujourd’hui.

Dans des conditions normales de pH, le silicium est dissout (DSi ou Dissolved Silicon) dans l’eau de mer sous forme d’acide orthosilicique Si(OH)4 (encore écrit H4SiO4) ou forme monomère. Cette molécule fonctionne comme un acide tétraprotoné, les 4 protons se dissociant successivement et produisant une série d’ions monosilicates : SiO(OH)3 1- , SiO2(OH)2 2-, SiO3(OH)3-, SiO4 4-.

  • Si(OH)4 ↔ SiO(OH)3 1- + H+
  • SiO(OH)3 1-↔ SiO2(OH)2 2- + H+
  • SiO2(OH)2 2-↔ SiO3(OH)3- +H+
  • SiO3(OH)3- ↔ SiO4 4- + H+

À un pH de 8,1, la forme neutre Si(OH)4 est dominante (96.2% du Si total).

À un pH compris entre 9,75 et 12,2, c’est SiO(OH)3 1- qui prédomine.

À des concentrations en silice plus élevées que dans l’eau de mer, c’est la molécule H7Si2O7 ou forme dimère qui prédomine.

Selon sa forme cristalline la silice est plus ou moins soluble :  la silice biogénique est très soluble (100 à 140° ppm à 25°C), le quartz est le moins soluble (6 à 14 ppm).

Le silicium primaire, sous ses différentes déclinaisons, est consommé par certains organismes animaux ou végétaux pour la fabrication d’un test qui les supporte ou qui les protège (silice biogénique océanique ou BSi). La plupart d’entre eux vivent dans le plancton (diatomées avec un frustule, radiolaires, ébriédiens, silicoflagellés avec un endosquelette). Ce plancton siliceux enregistre des périodes de bloom sous le forçage d’upwellings (remontées d’eau froide) saisonniers et les granules d’opale qu’il produit sont rejetés dans la colonne d’eau.
Il existe également des métazoaires benthiques, les spongiaires hexactinellidés et lithistidés qui ont un squelette formé d’un feutrage de spicules siliceux (les lithistidés étaient prédominants à cette époque sur les hexactinellidés).  Il semble que la croissance des spongiaires ait été stimulée par l’abondance des radiolaires.
Ces animaux (spongiaires) ou ces végétaux (diatomées, silicoflagellés) très anciens ont connus différentes périodes de recrudescence au cours des temps géologiques. Le Crétacé supérieur est l’une de ces périodes privilégiées, ainsi la gaize albienne est constituée en grande partie de spicules ou bien encore la craie cénomanienne contient une grande quantité d’éponges préservées en silex. Les diatomées, apparues il y a 350 millions d’années et qui se diversifient au Tertiaire, constituent actuellement une pompe à silice importante, intervenant moins au Crétacé. La concentration en acide silicique de l’eau de mer devait être au moins dix fois supérieure.

Les silex sont la forme définitive (actuelle plus exactement) d’une évolution des minéraux de type opale. Ces minéraux (Bustillo, 2010) sont métastables et possèdent différents degrés de cristallinité, de structure cristalline et de proportion en eau. Ces propriétés sont mises en évidence par diffraction X. 3 familles principales sont reconnues :
– l’opale A, avec la structure de la silice amorphe,
– l’opale C, avec 4 pics s’apparentant avec ceux de l’alpha-cristobalite,
– l’opale C-T, avec des pics s’apparentant avec ceux de l’alpha-cristobalite et de l’alpha-tridymite.

Une concentration supérieure à 6 mg.dm-3 de silice dissoute dans le fluide diagénétique peut permettre la précipitation. Le pH de 9 semble assez critique : au-dessous de cette valeur, la silice précipite.

La précipitation biogénique de la silice est dominante. Cette silice, dite opale-A, ou silice biogénique BSi, est une silice faiblement cristallisée ou amorphe contenant jusqu’à 10% d’eau. C’est l’activité enzymatique de l’organisme qui permet la production et la stabilisation de cette opale.  Ces organismes résistent à la dissolution, soit en adsorbant des ions Al ou Mg, soit en produisant des complexes organo-siliciques.
1) Les diatomées, par exemple, absorbent une molécule d’acide silicique Si(OH)4 qui est naturellement présente dans l’eau.
2) Cette molécule est ensuite décomposée en dioxyde de silicium (la silice, ou verre) et deux molécules d’eau.
3) La silice ainsi obtenue est utilisée par la diatomée pour fabriquer son frustule, une structure en forme de cage qui est en fait une carapace de verre.

Du fait de la sous-saturation en silice de l’eau de mer, lorsque l’individu meurt, son test est remis en solution. La silice bioprécipitée, bien que bénéficiant d’une assez forte production, n’est donc qu’une phase temporaire, car dans la grande majorité des cas, elle repart en solution, prête à être réutilisée dans un autre cycle. Cette dissolution des tests s’opère dans les centimètres superficiels du sédiment. Les fluides interstitiels s’enrichissent en silice dissoute sous forme de monomères Si(OH)4 qui regagnent généralement l’eau de mer. Cependant, sous certaines conditions, cette silice peut reprécipiter et entreprendre une évolution diagénétique qui la préservera à l’état solide.

Comment va se former le silex ?

3 réflexions sur « origine_silice_silex »

  1. Lepage Yves

    Dans le Pays de Caux, le silex peut être noir, gris foncé ou gris clair, ou même bleuté (dans la région d’Yport). Il est parfois aussi zoné et est alors bicolore.
    On trouve aussi dans la Sarthe, du silex de couleurs allant du brun au rouge.
    C’est surtout la nature des oxydes qui influe sur sa couleur.

    1. Hoyez Bernard

      Des variations mineures de composition chimique peuvent en effet expliquer la diversité de coloration des silex. Des différences subtiles dans le réseau du quartz microcristallin peuvent aussi induire des changements dans la diffraction différentielle des différentes longueurs d’onde du spectre visible. Pour les variétés de quartz macrocristallin (enfumé, citrine, améthyste..), je ne sais pas s’il existe une explication. Pour le quartz microcristallin, c’est encore plus difficile et il faut des techniques lourdes (microsonde, RX) pour tenter d’apporter des preuves.

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