La grotte des Petites Dales
Le village des Petites Dalles sur la commune de Saint-Martin-aux-Buneaux est une station balnéaire au débouché d’une petite valleuse d’orientation NNW-SSE.
La grotte des Petites Dales (avec un seul l pour respecter l’étymologie) a son entrée située sur le versant Est de la valleuse au point de coordonnées 49.8159°N 0.5318°E (afficher dans Google Maps).
La galerie principale a une section d’environ 10 m de haut (seuls environ les 3 mètres supérieurs sont désobstrués) et de 2 à 5 m de large. Au niveau de l’ « Espace de Six« , la galerie s’élargit en une petite salle. Le développement total des galeries représente environ 700 mètres.
D’après les travaux de Rodet & Viard (1996), le système karstique de la grotte des Petites Dales est de type paragénétique. Rappelons le classement de Renault (1967) des galeries en :
- galeries syngénétiques avec une vitesse du courant supérieure à 10 cm/s,
- galeries paragénétiques avec une vitesse du courant inférieure à 10 cm/s.
Dans ce type de galerie, une sédimentation continue se produit sur le fond et la corrosion se produit uniquement au toit.
Différents types de silts sont répertoriés par Rodet et al. (2006) :
- des silts argileux bruns (0,4- 0,5 cm/s),
- des silts beiges (0,9 – 1,1 cm/s),
- des silts beige pâle (1 – 1,6 cm/s).
Le remplissage semble avoir débuté au cours du Pléistocène.
Le meilleur guide de la grotte est disponible sur le site du CNEK et il est préférable de s’y rapporter directement pour des explications.
Une visite pilotée par Jean-Claude Staigre (12 mai 2013) a permis de parcourir la grotte (petit groupe parmi lequel Danièle Sayaret, Jean-Luc Audam, Jérôme Girard et Véronique Feeny).
La photosphère suivante peut être visualisée et manipulée en plein écran : cliquer en haut à droite du cliché.
La photosphère suivante (racine d’altération) peut être visualisée et manipulée en plein écran : cliquer en haut à droite du cliché.
Voici quelques illustrations concernant le phénomène karstique.
Corrosion
Sédimentation
Une rapide observation a été faite du remplissage de la moitié supérieure de la galerie, sur des coupes franches réalisées par des chercheurs. Différents horizons peuvent être distingués, en particulier une « couche noire », parfois qualifiée par ses découvreurs de « couche Nescafé ».
La couche noire possède une granulométrie très fine et un toucher traçant. Elle présente l’apparence d’une suie compactée. Sa teinte noire fait penser à une nature organique mais l’analyse chimique ferait apparaître une forte teneur en manganèse. Les parements examinés ne montrent pas de phénomènes de concrétionnement. L’oxyde ou l’hydroxyde de manganèse constitutif ne se présente qu’à l’état pulvérulent. Une origine locale ou proche du manganèse semble à écarter (le résidu de dissolution de la craie n’en contient qu’une infime quantité). Cette substance évoque la cryoconite des glaciers polaires (cf. définition Wikipedia pour de plus amples explications). Les aérosols solides pourraient avoir une origine lointaine, par exemple les sidérolithiques tertiaires. Leur concentration à partir d’alvéoles glaciaires aurait pu se faire dans des placers de torrents sous-glaciaires.
Toutes les formations du remplissage de la galerie présentent des discontinuités verticales ou obliques, parfaitement nettes et anguleuses, qui ne peuvent résulter que d’une rupture mécanique affectant un matériau bien consolidé. L’un des côtés de la discontinuité est occupé par un remplissage (généralement une bouillie limono-crayeuse). Cette fracturation en coin ne peut qu’avoir une origine cryoclastique. S’il s’agissait de fentes de dessiccation, leur remplissage ultérieur eût dégradé leur paroi, ne serait-ce que faiblement.
La couche noire (mais est-elle unique ?) peut être soit discordante sur les formations gélifractées, soit elle-même affectée par la gélifraction.
Interprétation personnelle des phénomènes
1) dépôt aqueux de limons loessiques (couche ocre),
2) alimentation du karst en cryoconite en suspension aqueuse.
3) dépôt d’un mélange de craie cryofractée et de limons (couche claire),
4) ouverture de fentes de gel et pénétration dans celles-ci des matériaux de la couche claire.
Les dépôts commençant avec la couche noire pourraient correspondre à la dernière glaciation weichsélienne (-116 ka à -12 ka), tandis que les limons précédents dateraient de l’ interglaciare éémien.
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Stratigraphie de la craie dans la grotte
Un des objectifs de la visite était aussi de trouver des repères événementiels. C’est Jérôme Girard qui, le premier, fit observer la présence d’un niveau marneux à hauteur du plancher d’exploitation. A plusieurs arrêts, nous avons revu cette marne à texture flaser d’une dizaine de centimètres d’épaisseur. En croisant cette observation avec la section de l’ancienne carrière à l’entrée de la galerie, il ne peut s’agir que de la Marne Shoreham, à la limite du Coniacien inférieur et du Coniacien moyen.
L’endroit le plus favorable pour la positionner se situe à la jonction de la galerie principale et de la galerie du Siphon, presque au niveau du plancher.
Le hard-ground situé environ à 3 mètres au-dessus serait le HG Nostrils.
En descendant le plan incliné de la galerie du Siphon, on rencontre un autre hard-ground d’une cinquantaine de centimètres d’épaisseur que la corrosion karstique a laissé globalement en relief et qui est tapissé d’alvéoles infra-décimétriques (dégagement de la craie interne aux paléo-terriers). Ce hard-ground est estimé à environ 5 à 6 mètres sous la Marne Shoreham. Il s’agirait du HG Light Point. Plus bas, ce hard-ground occupe le plafond de la galerie et on constate qu’il est fossilifère ( Micrasters, Cidaridés).
En sortant de la grotte, la coupe du jardin attenant permet d’observer les couches supérieures à celles de la grotte.
Il ne semble pas exister de relation entre la fracturation de la craie et la karstification (Rodet et al., 2013).
Cette visite s’est achevée par une observation des mêmes niveaux que ceux de la grotte dans la falaise littorale, à 1,3 km de distance.
On peut constater la présence de cavités karstiques, approximativement au même niveau que celui de la grotte. Un certain nombre de fractures de faible rejet sont tapissées de produits de colmatage. Certaines de ces fractures sont le vecteur d’écoulements karstiques actuels (exurgence des petites Dalles traversant le cordon de galets).
A l’W de la valleuse, on pourra également observer le karst fossile et le karst actuel. Ce karst est fortement conditionné par le HG Lightpoint, ceci largement au-delà de Saint-Pierre.
Une ouverture artificielle a été pratiquée à une cinquantaine de mètres au S de l’entrée de la grotte, rejoignant la galerie du siphon.
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