Le platier rocheux
La falaise s’éboule sous l’effet de la gravité. La mer dégage à chaque forte marée une partie des éboulis. Il se dégage donc progressivement une plate-forme d’érosion marine presque horizontale, en fait avec une pente de l’ordre d’au maximum 2 % vers la mer. Cette plate-forme d’abrasion marine, ou platier, est recouverte localement par des blocs de craie non détruits, par de gros silex type paramoudras ou encore par des grès mamelonnés paléocènes. Ces blocs fantômes, parfois nombreux et éloignés de la falaise vive, donnent un caractère sauvage et pittoresque à certaines portions du littoral. La largeur du platier est variable, pratiquement nulle au voisinage d’Antifer et supérieure à 200 mètres près de Saint-Valéry. Une durée de plusieurs milliers d’années est nécessaire à la réalisation d’une plate-forme d’abrasion. Une relation entre largeur du platier et vitesse de recul des falaises peut être envisagée. En 1972, le LCHF estimait que le platier avait subi un affaissement de 20 cm au cours des 136 années antérieures. Des mesures plus récentes (Hénaff et al, 2002) proposent des valeurs d’érosion plus fortes, autour de 3 à 3,5 mm/an.
Des paléoplatiers, c’est-à-dire des plate-formes d’abrasion fossiles, peuvent être conservés en certains endroits du littoral, soit en position haute (au-dessus du platier actuel), soit en position basse (au-dessous du platier actuel). L’origine de ces paléoplatiers est liée soit aux variations eustatiques du niveau marin, soit à des mouvements tectoniques locaux.
Des accumulations minérales mobiles se produisent sur le platier en formant des cordons ou des placages. La granulométrie des objets détritiques est liée directement à l’énergie cinétique de l’eau qui les transporte, des sables où l’énergie est faible, des galets où l’énergie est forte. On parle alors de placages sableux et de cordons de galets.
Les galets se déplacent essentiellement sous l’influence de la houle (des vagues) et les sables sous l’influence des courants de marée.
Les galets sont animés d’un mouvement alternatif dû au jet de rive et au ressac. Les déplacements au cours de ce cycle élémentaire ne sont pas superposables en longueur et en direction, il s’ensuit un déplacement général en dents-de-scie et une dérive globale du galet parallèlement à la côte. C’est l’orientation des houles majeures par rapport au trait de côte qui détermine le sens de la dérive. Pour le Pays-de-Caux, on observe :
- une dérive vers l’ENE à l’E du Cap d’Antifer,
- une dérive vers le SSW à l’W du Cap d’Antifer.
Le déplacement des galets ne peut être interrompu que s’il existe un obstacle physique à leur progression. Cet obstacle peut être naturel comme un cap rocheux ou dépression du fond, ou artificiel comme une jetée ou un épi. Dans ces conditions le système hydro-sédimentaire se décompose en cellules hydro-sédimentaires indépendantes.
Au niveau des vallées se produisent les accumulations les plus importantes de galets, par exemple Fécamp, Dieppe ou Le Tréport.
Les placages sableux s’étendent plutôt en partie basse de l’estran. On les trouve entre Le Havre et Saint-Jouin et entre Saint-Valéry et Le Tréport. Ils sont généralement minces et mobiles ou alors plus épais en comblement de paléovallées.
Le platier s’organise en zones, depuis le haut vers le bas :
- La zone battue, blanche. Après avoir déblayé les éboulis, la mer provoque une abrasion du platier avec les matériaux qu’elle transporte. Le cordon littoral de galets, mobile, recouvre partiellement cette zone.
Flore : ulves ou laitues de mer (Ulva lactuca), entéromorphes (algues vertes tubulaires en forme d’intestin)
Faune : bigorneaux (Littorina littorea, gastéropode brouteur encore appelé vignot en Normandie), patelles (Patella vulgata, gastéropode à coquille en forme de chapeau chinois broutant les algues sur les blocs de craie éboulés), gibbules (Gibbula umbilicalis), balanes (Balanus perforatus, crustacé garni de plaques calcaires vivant sur les rochers et sur certaines coquilles). - Le lapié à Cyanophycées endolithes. Aiguilles et crêtes rocheuses alternant avec vasques à fond plat. Les Cyanophycées (terme traditionnel, encore appelées Algues bleues) ne sont pas des Algues mais des Procaryotes que l’on classe dans les Cyanobactéries.
Faune : patelles, anémones de mer (ou actinies, cnidaires pourvus de tentacules à cellules urticantes), oursins. - Le lapié à Polydora et Cyanophycées. Apparition des annélides perforantes.
- La zone à Fucus et Lithothamnium. Cette zone est creusée de rainures ou de chenaux profonds dont l’existence est due à l’abrasion par des galets qui concentrent leur action sur des lignes privilégiées parallèles à la ligne de plus grande pente. Progressivement, ces rainures s’élargissent et s’approfondissent. Entre les rainures subsistent des « banques ». Dans les zones où existent des hard-grounds, le platier peut montrer un étagement en plusieurs gradins. En limite de basse-mer, l’action des vagues crée des échancrures, parfois importantes appelées « carnias » ou « carniaux » où prolifèrent le homard et le bouquet. Les principaux Fucus (Algues brunes) sont le Fucus vesiculosus (varech vésiculeux avec flotteurs) et le Fucus serratus (varech dentelé à stipe denté).
- La zone des grands perforants (Pholas dactylus, Zirfaea crispata, Hiatella gallicana, Venerupis pullastra) et des laminaires (Algues brunes en forme de ruban).
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