Sous-séquence Ce2a (Sous-Zone à M. saxbii pro parte).
Elle s’observe facilement à la base du panneau nord de la plage de Saint-Jouin ; mais la qualité de l’affleurement n’y est pas optimale. Vers le Nord, du fait du pendage, cet intervalle atteint l’estran entre Le Grouin et la Valleuse de Bruneval. Il y est donc possible de toucher tous les niveaux en place. Entre Le Havre et Saint-Jouin, de multiples blocs en sont constitués.
Cette sous-séquence est plus différenciée au Sud qu’au Nord et son épaisseur est plus forte. Néanmoins, du fait de leur accessibilité, les panneaux de Saint-Jouin peuvent servir de référence.
1. Entre la Valleuse de Bruneval et le Grand Hameau
La sous-séquence Ce2a comporte :
- la marne Épaville 1 : une marne crayeuse bioclastique sombre passant à une craie bioclastique à altération superficielle ocre. Les nodules de pyrite limonitisés y sont fréquents. Dans cette marne, au contact du HG Bléville 1, on trouve Mantelliceras mantelli, M. picteti, Schloenbachia varians et Mantelliceras cantianum déjà signalée par JUIGNET (1974). Les fossiles y sont de bonne qualité ;
- un banc calcarénitique et ferrugineux, prenant une patine d’altération ocre, caractéristique sur les blocs éboulés exposés à la mer ;
- la marne Épaville 2 : une couche de marne noire (0,1 m), fine et assez bien marquée. Elle contient quelques nodules limonitiques et de rares Mariella sp. ;
- les silex Briquemare : 2 niveaux principaux de craie fortement silicifiée, parfois intercalés de passées marneuses. La silicification donne des cherts difformes à noyau gris, de plus en plus foncés vers le haut, parfois de véritables silex noirs. Les Spongiaires sont très fréquents sous forme de sections tubulaires (Laocoetis fittoni ?). Vus en plan, ces Spongiaires forment des patch-reefs d’environ 1 m² englobés dans des marnes claires ;
- la (ou les) marne(s) Épaville supérieure(s) formant une encoche d’érosion bien marquée. Ces marnes sont sableuses, gris foncé, avec une lamination souvent ondulée ;
- le banc à Eponges Brière, de teinte claire, irrégulier et discontinu, à sections de Spongiaires tubulaires. Les silex Briquemare et Brière offrent une analogie avec le “Sponge Beds/Mariella Event” du Cénomanien allemand (WILMSEN, 2012). Ces deux niveaux sont désignés ici “Spongiaires inférieurs” (par rapport aux silex Heuqueville suivants) ;
- la couche claire : une craie marneuse homogène, assez fine, sans silex, formant une bande claire par rapport à l’encaissant ;
- les silex Heuqueville : jusqu’à 11 couplets élémentaires avec des silex noirs ou gris à cortex clair très mince et des craies marneuses gris moyen. On y rencontre les échinides Epiaster crassissimus, E. distinctus et Holaster nodulosus. Ils se subdivisent en 3 membres :
les silex Heuqueville inférieurs, constitués de 2 parties séparées par un intervalle comportant 3 niveaux marneux (ici désignées marnes Tanville a, b et c) :
– partie inférieure formée de 2 ou 3 bancs noirs épais,
– partie supérieure faite de petits silex gris discontinus.
les silex Heuqueville supérieurs, armés de 6 bancs épais de silex noir, aux contours irréguliers. Le banc inférieur est dédoublé ;
9. La surface d’érosion Poterie se manifeste par une surface durcie décolorée ou encroûtée (firmground Poterie). On la touche en place sur le platier de la Valleuse de Bruneval. Plus au Sud, jusqu’à la descente d’Heuqueville, elle est accessible dans de nombreux panneaux éboulés.
2. Entre le Grand Hameau et Le Fond du Val
La surface d’érosion Poterie atteint des niveaux plus profonds, faisant disparaître les silex Heuqueville. Cette érosion atteint localement le silex Brière ou le silex Briquemare. Des niveaux à Spongiaires (?Laocoetis fittoni) sont généralement conservés (Spongiaires inf.), remaniés ou en place, associés à de rares tiges de Crinoïdes. Les couches sous-jacentes à la surface Poterie perdent leurs caractéristiques et se transforment en un calcaire siliceux dur. L’érosion ne semble pas atteindre la marne Épaville 2.
3. Entre Le Croquet et La Hève
Une lacune d’observation partielle dans les falaises d’Octeville ne permet pas voir les transitions. Ce n’est qu’au Sud de l’”escalier de l’OTAN” que de bonnes conditions de visibilité sont rétablies. On y retrouve les termes vus à Saint-Jouin, mais avec des différences :
- les deux niveaux marneux de base, Épaville 1 et Épaville 2 restent présents. Ils constituent deux encoches appariées facilement identifiables dans la falaise ;
- au-dessus de la marne Épaville 2, le silex Briquemare, banc gris continu silicifié d’une cinquantaine de centimètres d’épaisseur, montre une abondance et une variété exceptionnelles de Spongiaires bien dégagés ;
- les marnes Epaville supérieures, constituées de 3 niveaux tendres, gris foncé, rapprochés, constituent un niveau de rupture majeur dans les panneaux éboulés. Des réseaux de terriers hexagonaux les parcourent ;
- le niveau Brière se résout en 4 ou 5 bancs plus ou moins continus de chert gris clair. Le banc basal est souvent le plus épais. Ces cherts sans cortex englobent de multiples débris d’organismes. Entre ces cherts s’intercalent des niveaux marneux, teintés d’oxyde de fer, très chargés en bioclastes. Parmi ces derniers, on remarque de multiples tubulures blanches de diamètre centimétrique. Le développement en épaisseur de ces marnes ferrugineuses néritiques est notable, en progressant vers le Sud, vers le Cap de la Hève. Fréquentes Mariella essenensis et Mantelliceras ;
- la couche claire de craie marneuse dénuée de silex, sur une trentaine de centimètres d’épaisseur, reste assez constante. Elle contient de fréquentes M. saxbii ;
- les silex Heuqueville sont le membre le plus problématique pour les corrélations. Celles qui sont proposées à la suite demeurent partiellement hypothétiques. Par rapport à la série de Saint-Jouin, les changements portent sur différents aspects :
a. l’épaisseur globale est plus forte, de l’ordre du double ;
b. les silex gardent un coeur noir, mais ils acquièrent généralement un cortex clair, parfois de plusieurs centimètres d’épaisseur ;
c. individuellement, les silex gagnent en épaisseur et peuvent se subdiviser.
d. des perturbations synsédimentaires affectent la régularité des bancs de silex. Il s’agit principalement des paramoudras, bien qu’en certains cas du slumping pourrait être envisagé.
Les paramoudras sont des colonnes silicifiées subverticales. Ces curiosités ont suscité des interprétations diverses dans la littérature géologique, certaines privilégiant une origine organique, d’autres une origine mécanique. Pour notre part, nous présumons que les longs paramoudras résultent de cheminées d’échappement de fluide, secondairement épigénisées par la silice. Ici, comme dans le Coniacien moyen entre Étretat et Fécamp, de telles structures de grande taille semblent associées à un fort taux de sédimentation local. Cette constatation est partagée dans d’autres bassins de craie (NYGAARD et al., 1983 ; MORTIMORE & POMEROL, 1991). L’eau interstitielle ou le méthane, peut-être guidés par des terriers animaux préexistants, auraient subi une ascension, créant un conduit vertical.
Les paramoudras ne sont pas exceptionnels dans les craies à silex, mais ici ils sont particulièrement abondants entre la descente de l’OTAN et le panneau des Ronces. On peut les observer dans la falaise vive avec une période latérale d’environ 3 à 4 mètres. Ces paramoudras silicifiés perturbent la stratification. La plupart d’entre-eux ont une hauteur métrique, mais certains atteignent 4 mètres. Certains niveaux stratigraphiques concentrent l’existence de paramoudras, bien que des paramoudras isolés puissent exister dans tout le Cénomanien inférieur.
En dépit de ces modifications, les silex Heuqueville gardent ici globalement la même architecture qu’à Saint-Jouin :
– les silex Heuqueville inférieurs se caractérisent à leur base par un ou plusieurs silex noirs épais. Le banc initial présente un aspect spongieux, alvéolaire et les 2 bancs suivants forment un couplet caractéristique dans le secteur du Cap de La Hève, probablement noté “cordon repère de silex noirs” par JUIGNET (1974). Entre l’escalier de l’OTAN et Les Ronces, ce couplet se réduit à unique silex noir épais ;
Au-dessus de ces silex noirs de base, l’aspect des silex est très variable, d’un point à un autre. Parfois (vers La Hève), la stratification est à peu près préservée, ailleurs (au Sud de l’escalier de l’OTAN), elle est bouleversée par le transpercement des paramoudras. Les silex affectés prennent une teinte claire uniforme et sont dépourvus de cortex. Certains présentent à leur surface des alvéoles, évoquant des oscules de Spongiaires (notés Spongiaires supérieurs).
L’épaisseur moyenne des silex Heuqueville inférieurs est de l’ordre de 4 à 5 mètres ;
– les silex Heuqueville supérieurs sont assez bien stratifiés et, individuellement, les silex se suivent latéralement sur de grandes distances. La succession de silex ressemble beaucoup à celle de Saint-Jouin, c’est-à-dire : silex a (couplet de silex tabulaires) très marqué, silex b peu apparent et discontinu, silex c, d et e en triplet continu.
L’épaisseur des silex Heuqueville supérieurs est de l’ordre de 4 mètres ;
7. la surface d’érosion Poterie se marque par une décoloration du silex le plus haut.