Séquence Ce1 (Zone à M. mantelli, sous-zones à N. carcitanense et à S. schlueteri)
La coupe de référence se situe à une trentaine de mètres au S des cabines de Saint-Jouin-plage. Elle se répartit en 2 panneaux séparés vraisemblablement par une faille car les niveaux stratigraphiques homologues sont décalés de plus de 3 mètres. Le panneau sud permet d’observer la base du Cénomanien et le panneau nord montre à son sommet les HGs Bruneval 1 et 2. Les couches inférieures à ces derniers hardgrounds sont difficilement accessibles et, pour pouvoir les toucher, il est préférable de choisir la coupe entre la Valleuse de Bruneval et le Grouin, à 1,8 km plus au Nord.
Seule la partie basse de la coupe, s’étendant de la surface de ravinement Octeville au hardground Bléville 1, soit une épaisseur de 3,6 m, représente la séquence Ce1 ou Sous-Zone à Neostlingoceras carcitanense. Elle se décompose en plusieurs parties.
- Le tourtia, c’est-à-dire une glauconitite conglomératique à nodules centimétriques verdis phosphatés, à fossiles phosphatés et bois minéralisés. Ce terme de tourtia est repris conventionnellement du langage des mineurs du Nord de la France. La surface de ravinement du tourtia, nette et ondulée, désignée comme la « surface de ravinement Octeville » par JUIGNET (équivalente à la Surface d’Érosion Sub-carcitanense de WRIGHT et al., 2017). Elle recoupe à Saint-Jouin une marne gris clair à faciès gaize (Gaize supérieure de JUIGNET). Plus au Sud, elle peut recouvrir des bancs cherteux (Gaize inférieure) ou des marnes noires à faciès Gault. Des terriers (diamètre centimétrique) peuvent pénétrer sur plusieurs décimètres les couches sous-jacentes dont les plus récentes ont fourni Stoliczkaia dispar, de la dernière biozone d’ammonites de l’Albien.
Le faciès conglomératique s’étend sur une quarantaine de centimètres d’épaisseur en moyenne, mais il peut dépasser le mètre. Les galets verdis sont anguleux, de dimension généralement inférieure à 5 cm, disséminés, avec un granoclassement normal. En certains endroits (Fond du Val, par exemple), les éléments, remaniés des cherts albiens, arrondis et recouverts d’une patine phosphatée, peuvent atteindre 50 cm (jeu tectonique du seuil d’Octeville). Exceptionnellement, des galets de quartzite similaires à ceux du Poudingue ferrugineux albien sont récoltés.
Localement, au-dessus du conglomérat de base, se superpose un horizon à graviers phosphatés bruns.
Cette formation est très fossilifère :
Brachiopodes : Cyclothyris difformis, C. scaldisensis, Kingena arenosa, Dilophosina paraplicata, Prælongithyris fecampi, Dereta pectita, Terebratulina protostriatula,
Échinides : “Cidaris” strombecki, Goniophorus lunulatus, Holaster nodulosus, Pliotoxaster deloriollii, Pseudholaster bicarinatus, P. latissimus, P. suborbicularis, Catopygus columbarius, Salenia petalifera, Hyposalenia clathrata, Hirudocidaris vesiculosa, Tetragramma variolare, Polydiadema bonei, Discoides subuculus,
Bivalves : Rastellum carinatum, Neithea quinquecostata, Spondylus striatus,
Merklinia aspera,
Céphalopodes : Neostlingoceras carcitanense, Mariella lewesiensis, Mantelliceras mantelli, M. cantianum, M. couloni, Schloenbachia varians, Cymatoceras elegans, rares Euhystrichoceras, Forbesiceras, Sharpeiceras, Hyphoplites sp. ,
Gastropodes : Bathrotomaria sp. et Conotomaria sp. sous forme de moules internes.
2. Une glauconitite inférieure à Spongiaires et Bivalves. L’épaisseur de ce niveau est plutôt faible à Saint-Jouin. Elle atteint environ 6 m localement à Heuqueville.
3. Une glauconitite médiane à cimentation siliceuse en boules de trente à soixante centimètres. Ce niveau résistant à l’érosion forme un relief dans la falaise.
Des accumulations de Spongiaires peuvent parfois se développer dans ces niveaux de glauconitite, formant un véritable biostrome. De nombreuses espèces y sont reconnues (Exanthesis ou Plocosyphia meandrina, Elasmostoma babstimalis, Guettardia stellata à 4 ou à 6 ailerons, Corynella socialis, Hallirhoa costata, Cephalites sp. , Porosphæra patelliformis). Les Spongiaires sont souvent associés aux Annélides (Cycloserpula plexus). Cette craie grise très glauconieuse comporte quelques ammonites, en particulier l’ammonite de zone Mantelliceras mantelli.
4. Les « silex Grand Hameau », une suite de 3 à 7 cycles élémentaires à silex noirs bien formés (épaisseur globale : jusqu’à 1,5 m). Ces silex ne sont bien identifiés qu’entre Bruneval et Le Grand Hameau. Ailleurs, il n’en reste que des reliques.
5. Une glauconitite supérieure riche en débris d’inocérames (I. crippsi).
Ce niveau représente l’ « Inoceramus crippsi Event » de la Zone à M. mantelli moyenne (AMÉDRO et al., 2012) et le niveau 2 de LENNIER.
Les Brachiopodes sont abondants. L’emblématique Terebrirostra lyra est présente dans ce niveau accompagnée de Cyclothyris difformis. L’ammonite Sharpeiceras laticlavium a été récoltée au sommet de cette glauconitite (S. schlueteri n’a pas été rencontrée).
6. Le hardground Bléville 1 (alias HG Saint-Jouin), gris clair à perforations plus foncées, silicifié. Ce hardground est considéré comme la limite de la séquence 1 (SB Ce1). Il correspond au niveau M3 de GALE (1989) et probablement à l’excursion positive du δ13C dite LCE III (Lower Cenomanian Event III) de JARVIS et al. (2006).
La variation de faciès la plus spectaculaire dans cette première séquence se produit entre Saint-Jouin et Heuqueville. Le ravinement important de l’Albien se poursuit par un remplissage glauconieux détritique épais (plus de 6 m) intercalé de couches à débris de Spongiaires. Inversement, au Croquet, sur le seuil d’Octeville, l’épaisseur de cette séquence est réduite à 1,7 m.
Au Sud de la descente du Grand Hameau, c’est la disparition des silex Grand Hameau qui est la plus remarquable. L’érosion et la dissolution/recristallisation liées à la formation du HG Bléville 1 en sont la cause probable.