Les craies marneuses et les marnes
Dans ce qui suit, il n’est pas question des marnes en lits d’origine volcanique qui sont traitées avec la stratigraphie événementielle.
La craie massive contient une très faible proportion de minéraux argileux. Les craies blanches supérieures (à partir du Coniacien) contiennent généralement moins de 1% de résidu insoluble, alors que les craies cénomaniennes en contiennent une plus forte quantité. La diminution progressive de la fraction argileuse dans la série crayeuse est l’expression probable :
- de l’aridité croissante et d’une moindre érosion continentale;
- de la submersion des surfaces continentales.
Parmi les argiles, le groupe des smectites (minéraux principaux : la montmorillonite et la saponite) est le mieux représenté, comme le montre ce graphique (Deconinck et al., 2005) obtenu à partir d’un forage au cœur du Bassin parisien.
Les minéraux smectitiques s’accordent bien avec le climat à effet de serre (action sur les sols continentaux) et avec l’altération de verres volcaniques. Vers les bordures du bassin, les apports détritiques d’illite et de kaolinite sont plus abondants et peuvent traduire des mouvements tectoniques. Dans le sondage présenté (Poigny), l’augmentation de la proportion d’illite-kaolinite correspond à 2 intervalles :
- un intervalle Turonien moyen-supérieur (n’atteint pas le Turonien terminal),
- un intervalle Turonien terminal-Coniacien (se réduit vers le sommet).
Dans le Nord de la France, certains niveaux stratigraphiques sont riches en résidu marneux et sont qualifiés de « dièves » (dièves vertes du Cénomanien inférieur à moyen, dièves bleues ou bleues du Turonien moyen à supérieur). Elles constituent un ensemble imperméable supportant l’aquifère de la craie.
A côté de variations lentes de la proportion argileuse, on enregistre, dans le Cénomanien et dans le Turonien inférieur, des variations rapides et périodiques. Elles conduisent à des alternances craie/marne de périodicité décimétrique appelées « couplets ». Cette périodicité perdure dans les craies post-turoniennes, mais elle devient difficile à observer sur le terrain. L’analyse des affleurements d’Ukraine et du SE de l’Angleterre où les couplets cénomaniens sont particulièrement bien développés a permis à Gale et al. (1999) d’y calculer une rythmicité précessionnelle (20 ka) modulée par un cycle d’excentricité courte (100 ka).
Dans le cadre de la théorie astronomique de la variabilité des climats, la cyclicité craie – marne laisse encore quelques interrogations. A quelle configuration correspond, par exemple, le sédiment marneux par opposition au sédiment crayeux ? Pour Huang et al. (1992), de forts contrastes thermiques entre terre et mer, de faibles différences de températures saisonnières, un climat chaud et humide produisent une forte altération terrestre, des apports terrigènes importants et une diminution de la productivité biologique. Ceci conduit à des craies marneuses. Inversement, des analyses du δ18O faites par Ditchfield & Marshall (1989) sur des cycles craie – marne montrent que ce sont les craies les plus pures, donc associées à la bioproductivité la plus forte, qui reflètent les périodes de température plus chaude.
La nature et les proportions des minéraux argileux conditionnent les qualités de la craie, en tant que réservoir (eau, pétrole) et que matériau dans le génie civil.
Les niveaux marneux sont fréquemment associés à un type particulier de stratification qualifié de divers noms :
- stratification ondulée ou wavy bedding,
- lits de dissolution sous pression ou solution seams,
- stratification flaser ou flaser bedding.
La part relative de l’origine mécanique ou diagénétique de cette stratification n’est pas toujours évidente.