La fracturation de la craie
A l’échelle de la hauteur de la falaise ou sur un affleurement réduit, on observe que la craie est fracturée. Généralement, les fractures ne sont que de simples joints sans rejet apparent. Cependant, il est bien rare de parcourir un kilomètre le long des falaises sans croiser une faille à rejet métrique. Aucune faille d’un rejet supérieur à 10 mètres n’est directement visible. Le rejet vertical hectométrique de la faille de Fécamp-Lillebonne n’est appréhendé que par le décalage des couches de part et d’autre de la plage de Fécamp.
Les types de fractures rencontrés (Duperret et al., 2012) sont :
– des failles normales, très pentues, de rejet centimétrique à métrique;
– des failles décrochantes, parfois avec des stries subhorizontales;
– des master-joints, fractures affectant toute la falaise;
– des joints, fractures à petite échelle, sans rejet apparent;
– des fractures remplies de silex ou de calcite.
Les études modernes de la fracturation reposent sur certaines méthodes de mesures géométriques et de leur traitement dont les notions sont abordées par exemple sur le site « stylolite » de G. André.
Directions principales de fracturation
Les études effectuées dans le cadre d’Interreg IIIa (recul des falaises) ont montré qu’il existait 6 directions principales de fracturation :
- N 0
- N 30-40 (direction varisque)
- N 50
- N 100
- N 120-130 (direction armoricaine)
- N 150-160 (direction armoricaine)
Les fractures présentent un pendage de 70 à 90°.
La fracturation a une incidence mais non majeure dans l’élaboration du réseau karstique. Un exemple est celui de la Grotte des Petites Dales dans laquelle le long d’un drain de 421 m ont été mesurées 374 joints (Rodet et al., 2013).
Stratigraphie de la fracturation
Mortimore (nombreux articles de 1978 à 2010) a clairement mis en évidence que le style et l’orientation de la fracturation étaient en partie dépendants de la stratigraphie. Il a constaté :
- des fractures inclinées conjuguées dans :
– la Craie d’Holywell [unité lithostratigraphique anglaise, entre les marnes à plenus et la marne Gun Gardens principale],
– la Craie de New Pit [entre la marne Gun Gardens principale et marne Glynde 1],
– la Craie de Newhaven [au-dessus des marnes Buckle],
– les couches de Belle Tout dans la Craie de Seaford;
Le terme de « slickensided shear joints » est souvent utilisé. Il désigne des surfaces de friction polies parfois striées dans la direction de mouvement et parfois enduites de fibres (slickenfibres) ayant cru au cours du mouvement et indiquant le sens de ce mouvement.
- des ensembles de joints verticaux dans :
– les couches de Cuckmere [entre silex Seven Sisters et le silex columnaire de Bedwell],
– les couches de Haven Brow [entre le silex Bedwell’s et les marnes Buckle],
– la Craie de Culver [couches campaniennes non représentées ici].
Les réseaux de fractures contraints entre deux niveaux stratigraphiques sont parfois qualifiés de « strata-bound« .
En faisant la part des différences mécaniques pouvant exister entre les différentes craies (pouvant jouer sur le style de fracturation), il reste que les orientations sont différentes et donc que le tenseur de contrainte a varié au cours du dépôt de la craie. Cependant, on peut légitimement se demander pourquoi la fracturation ne s’étend pas en profondeur et qu’elle reste cantonnée dans une tranche stratigraphique. Pourquoi est-ce dans la tranche superficielle, la moins lithifiée, que les fractures vont s’exprimer ? Cette particularité n’est pas discutée par les partisans de cette interprétation. Une autre interprétation, sismique cette fois, rendrait mieux compte du caractère superficiel de la fracturation.
Les fractures sont parfois épigénisées par de la silice et forment des sheet-flints (silex en lames).
Selon S. Vandycke (2003), les études de terrain indiquent que la craie est habituellement affectée par des ensembles de failles conjuguées se produisant pendant la sédimentation et la diagénèse. De telle sorte qu’il est probable que chaque état successif de paléocontrainte a créé de nouveaux ensembles de failles conjuguées. L’hypothèse est que pour chaque état de paléocontrainte, les failles nouvellement formées sont beaucoup plus abondantes que celles héritées. Cette hypothèse nous semble cependant discutable : pourquoi les couches inférieures à l’ensemble « strata bound », normalement plus consolidées par la diagénèse, n’enregistrent-elles pas une fracturation plus conséquente sous un champ de contrainte continu ? Pour nous, cette fracturation pourrait être due à des contraintes instantanées transmises par des ondes sismiques de surface.
Duperret, Vandycke, Mortimore & Genter (2011) ont conduit une étude de la fracturation des craies dans le Sussex et la Normandie les amenant à distinguer 5 phases successives de fracturation contemporaine de la craie :
- Phase I : extension NE – SW
- Phase II : extension NW – SE
- Phase III : extension NNE – SSW, compression ESE – WNW
- Phase IV : compression N – S , extension E – W
- Phase V : extension E – W
Les directions de fracturation en Normandie, d’après ces auteurs, ne sont pas identiques selon la position stratigraphique. Voici leurs données :
La chronologie des phases tectoniques responsables de la fracturation cénozoïque et leur interprétation dans un cadre de tectonique des plaques sont détaillées ici.
Mortimore (2010) souligne également la présence de failles de croissance (growth faults), décrites principalement dans la Craie de Newhaven. Ces failles sont légèrement courbes et se rattachent vers le bas à une surface subhorizontale. Le rejet de ces failles s’atténue et tend à s’annuler vers le haut.
Autres structures
Les réseaux de veines de calcite ou « chevelu de filonnets » (Juignet & Breton, 1997)
Les boudinages ou « pinch and swell structures »
Bonjour monsieur,
il faut aussi inclure les directions conjuguées N40 voir même N90, remarquables sur le platier
Cordialement
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